Faut-il interdire aux ados de fumer ?

Interdire la cigarette à un adolescent produit souvent l’effet inverse : il fume de plus belle pour transgresser l’autorité. Mieux vaut dialoguer avec lui, essayer de comprendre comment la dépendance s’est installée et chercher ensemble des solutions pour réduire sa consommation, préconise Yves Gervais, psychothérapeute.

 

Fumer pour s’émanciper

Toutes les campagnes publicitaires qui parlent de cancers de la bouche, de stérilité… atteignent leur objectif chez les adultes, en particulier les plus de 40 ans et qui ont des enfants. Mais pas chez les adolescents qui, à 15 ans, se sentent immortels !

“Ils sont très bien informés, mais ces messages leur passent complètement au-dessus de la tête”, confirment Muriel, principale de collège près de Poitiers, et Pascale, infirmière dans un lycée. A l'adolescence, on est dans l'identification aux pairs et la transgression : fumer fait partie des moyens pour s'émanciper.

“Chez les jeunes qui vont bien, il n'y a rien de dramatique là-dedans, souligne Yves Gervais, psychothérapeute. Je connais des jeunes qui ont fumé leurs premières cigarettes en quatrième. Ils ont continué un peu au lycée, puis un jour ils ont arrêté : le tabac coûtait cher, ils avaient mauvaise haleine ou mal à la gorge. La prise de conscience est venue d'eux.

Quand on apprend que son enfant fume, il me semble souhaitable de se montrer compréhensif et magnanime : c'est un moment dans le déroulement de l'adolescence. Si les parents sont dans l'interdiction et l'autoritarisme à ce moment-là, ils risquent de pousser leur ado à continuer !”

Montrer l’exemple dans une société tabagique

L'idéal serait de ne jamais commencer à fumer, mais quand on est adolescent, que l'on vit dans une société tabagique et que ce produit symbolise une transgression, difficile de résister !

Il faudrait que les adultes montrent l'exemple : “Que dire, que faire, quand une partie de l'équipe pédagogique – les surveillants ou le CPE dont les lycéens se sentent très proches – se joint à eux devant le lycée pour “en griller une” à la pause ?” déplore Pascale, infirmière.

“Aux adolescents que je vois et qui sont dépendants, je conseille de fumer le moins possible, explique Yves Gervais. Leur dire d'arrêter totalement n'est pas un discours réaliste : pourquoi seraient-ils plus doués que les adultes ?” Aux parents, il conseille de chercher à savoir en premier lieu pourquoi la dépendance s'est installée chez leur enfant, “ce que soigne la cigarette”. Et d'aider le jeune à réduire sa consommation, en faisant valoir que c'est mieux pour son porte-monnaie et son teint !

Echanger avec les adolescents sur les effets du tabac

“Le constat avec le tabac, c'est que rares sont les ados qui ont la volonté de ne fumer qu'une cigarette par jour. C'est tout le problème de la dépendance”, souligne Yves Gervais. Il faut en parler avec les adolescents. On peut échanger aussi sur les effets du tabac : la mauvaise haleine, les vêtements qui sentent. “Ce qui retient les non-fumeurs irréductibles, note Pascale, c'est souvent l'odeur. Ils ne supportent pas de sentir la cigarette.”

Et partager enfin des données incontournables : “Le tabac est la première cause de mortalité précoce en France : il tue 66 000 personnes prématurément chaque année, énonce Yves Gervais. C'est la drogue la plus consommée au monde, qui rapporte le plus économiquement et qui tue le plus dans le monde.” Autant le savoir…

 

Le 31 mai 2013 Sophie Coucharrière, avec Yves Gervais, psychothérapeute

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