La collection “Chair de poule”, les clés d’un succès fantastique

Peurs et frissons, c'est une thématique que connaît bien l'auteure et éditrice Marie-Hélène Delval, passionnée de fantastique. Elle nous explique, à travers son expérience, les raisons du succès de ce genre littéraire auprès des jeunes.

 

Comment expliquer le succès de la série Chair de poule, éditée par Bayard, auprès des 8-12 ans ?

M.-H.D. Lors de mes rencontres avec des classes, j'ai été frappée par le fait que ces romans amenaient à la lecture beaucoup d'enfants en difficulté, voire fâchés avec le livre. C'est dû en partie à la technique d'écriture, très simple, et à l'art de faire monter le suspense, par un rythme rapide et des chapitres courts.

La réflexion des enfants se déroulait en trois étapes, immanquablement : d'abord l'expression du plaisir (“Ouais, super, ça nous a vachement plu !”), puis la conscience des “ficelles” de scénario (“Quand on suit l'héroïne dans l'escalier, on devine que c'est son petit frère !”). Et enfin, de façon plus inattendue, l'analyse métaphysique : les enfants se mettaient à parler de ce qui leur faisait vraiment peur. Comme si cette peur assez ludique leur donnait des mots pour exprimer des angoisses plus graves, telles que la guerre, la violence, la maladie…

Certains enseignants en font même un outil pédagogique ?

M.-H.D. Oui, j'ai participé à un travail passionnant dans un CM2. Au premier trimestre, les enfants étudiaient, à travers Chair de poule, la transposition des peurs : à quoi correspondent les monstres et autres personnages terrifiants parmi les grandes peurs de l'humanité. Puis au fil de l'année, ils découvraient l'œuvre d'un auteur contemporain (comme Moka) pour aborder finalement des histoires fantastiques classiques comme celles d'Edgar Poe ou de Maupassant.

Comment caractérisez-vous le fantastique, votre genre littéraire préféré ?

M.-H.D. C'est le genre métaphysique par excellence, celui qui traite des mystères de l'humanité, du rapport entre le bien et le mal, la vie et la mort. Une façon d'aborder des “sujets graves” tout en les mettant à distance, par la création de mondes imaginaires.

Un livre-phare parmi ceux que vous avez édités ?

M.-H.D. L'Apprenti épouvanteur, de Joseph Delaney, qui connaît un grand succès. Il réunit tout : un univers un peu décalé, sorte de Moyen Âge réinventé ; des personnages horrifiques et même le diable, avec toutes les créatures qui lui sont soumises ; un adolescent, l'archétype du héros qui quitte sa famille pour prendre sa vie en main ; un maître exigeant qui va le prendre en apprentissage.

Le tout, avec une grande richesse de réflexion sur le plan moral : la frontière entre le bien et le mal est parfois difficile à discerner, comme dans la réalité, et les personnages ne sont jamais “tout d'une pièce”.

Mais ces ingrédients ne suffisent pas : l'auteur doit savoir créer un rythme, une atmosphère, une espèce de poétique de la situation… Être, avant tout, un excellent raconteur d'histoires.

 

Le 17 novembre 2008 Marie-Hélène Delval - Sylvie Thierry-Askevis

• < Page précédente
• 1
• 2
• Page suivante >