Lire des histoires aux enfants, c’est leur apprendre la lecture en douceur

Pour les enfants, l'univers du livre doit être merveilleux. Leur lire des histoires est le meilleur moyen de leur faire aborder la lecture en douceur, sans les braquer. Michèle Petit, chercheuse au CNRS sur la lecture, nous explique pourquoi.

 

Pomme d'Api : faut-il se forcer à leur lire des histoires ?

M.P : "Pour certains parents, les livres évoquent de mauvais souvenirs, des souvenirs d'école désagréables, de contrainte, d'obligation ! Tant que les parents n'ont pas des rapports apaisés aux livres, je leur conseillerais d'aller en bibliothèque, d'y emmener leur enfant à “l'heure du conte”. Et pourquoi pas d'y assister. En tout cas, si on lit en se disant : “Il faut que je le fasse, car ce sera bien plus tard pour l'école…”, ça ne marche pas ! L'enfant sentira que le cœur n'y est pas.

Laissez de la place au mystère et à l'imagination…

Attention, quand nous lisons une histoire à un jeune enfant, il faut le laisser se déplacer, aller et venir, vaquer à tout autre chose : son attention au récit n'est pas forcément absente. Et ne pas lui demander toutes les trente secondes s'il a bien compris. Même s'il y a des mots incompréhensibles ! Bien au contraire, il faut toujours qu'il y ait un peu d'opacité, de mystère, pour qu'il y ait du désir, du plaisir. Pour que l'enfant bâtisse des hypothèses, imagine. Ne soyons pas indiscrets en lui demandant après la lecture : “Alors ? A quoi cela t'a-t-il fait penser, qu'est-ce que tu en penses ?” Toutes ces questions intrusives tuent le plaisir. Un enfant, aussi petit soit-il, a droit à sa vie intime, à ses rêveries, à ses pensées. A sa singularité.

Pas la peine de “surjouer” l'histoire

De la même manière quand un parent veut trop transmettre son plaisir de lire, quand il en rajoute en surjouant le loup, par exemple, il peut forcer la main. Difficile alors pour l'enfant de se l'approprier, c'est presque l'histoire du parent. Soyons légers ! N'imposons rien. Car la question est de rendre l'appropriation des livres désirable, que les livres et leurs histoires soient désirés. C'est “gagné” quand l'enfant les dérobe, les chaparde… Plus tard, il les lira sous la couverture, à la lampe de poche !

 

Le 6 octobre 2008 Michèle Petit - Propos recueillis par Sophie Chabot - Pour le magazine Pomme d'Api

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